Les mesures de prévention contre le Djihadisme

17 mars 0 Commentaire Catégorie: Non classé

 

avant-propos : merci au Ministère de l’Intérieur et au portail du gouvernement gouvernement.gouv.fr, à Wikipédia.fr, Numerama.com, lexpress.fr, Memri.fr, phonadroid.com, legifrance.gouv.fr, lefigaro.fr, au Conseil de l’Europe, à rsnlmag.fr, bbc.com, senat.fr village-justice.com, lexinter.net et à l’Ecole Nationale de Magistrature (si, si) pour leur précieuse contribution à la présente compilation de leurs travaux. Et à tous ceux et celles que j’aurais oubliés.

Introduction

Si l’on demandait à un enfant (ou même à un adulte) de dessiner un terroriste, il y a fort à penser que son croquis désignerait un homme barbu,une bombe ou une kalashnikov à la main.

Les récents attentats ayant durement touché notre pays : Charlie Hebdo, Hyper Casher, mais également le reste de l’Europe : Copenhague, musée juif de Bruxelles, mais aussi le Canada (Parlement) et les Etats-Unis (marathon de Boston), viennent créer dans nos esprits une identification du terrorisme, au djihadisme.

Si le terrorisme djihadiste constitue la menace du moment, il n’en a pas toujours été ainsi.

Historiquement, le terme de terrorisme remonte à novembre 1794 et désigne alors la doctrine des partisans de la terreur. Il définit donc le régime politique sous la Terreur pendant la Révolution Française. Il s’agit d’un mode d’exercice du pouvoir.

Mais son usage s’est transformé au cours du XIXe siècle pour désigner la violence politique: attentats, conflits asymétriques, assassinats politiques…Il s’agit dès lors d’un mode de déstabilisation et de lutte contre le pouvoir en place.

-         IRA

-         ETA

-         OAS

-         Fraction Armée Rouge

-         Brigades Rouges

-         Action Directe…

Il a acquis une connotation péjorative et désigne aujourd’hui les actions violentes destinées à répandre la terreur et ainsi faire pression sur un état ou une population civile (exemples: Etat Islamique ou Boko Haram). Ceci, à des fins politiques, religieuses, idéologiques ou crapuleuses.

Le terrorisme ainsi défini, a naturellement rencontré le djihadisme. Ceci dans la mesure où le terme djihadisme est un néologisme utilisé pour faire référence à un mouvement contemporain au sein de l’islamisme, qui place l’usage de la violence « comme moteur d’action et de finalité » à la réalisation des objectifs islamistes.

 Le djihadisme ne se limite pas au message politique de l’islamisme ou à son caractère missionnaire mais prône pour arriver à ses fins l’usage de la violence et du terrorisme.

 Le djihad moderne naît dans les années 1980 au cours de la guerre des soviétiques en Afghanistan. Dans le contexte de ce conflit, émerge notamment la figure d’Abdallah Azzam, considéré comme le père fondateur du djihadisme.

  À partir des années 1980 et 1990 apparaît le salafisme djihadiste, qui puise ses racines chez des penseurs musulmans radicaux comme Abou Qatada  il s’étend à l’ensemble du monde musulman et devient le principal courant du djihadisme. Au début du XXIe siècle, des organisations terroristes islamistes comme Al-Qaïda, l’État islamique ou Boko Haram, se réclament du salafisme djihadiste.

 Le terme contient le mot « djihad » qui, pour la plupart des musulmans, est le fondement d’une vie pieuse mais qui pour certains consiste à faire la guerre pour la défense de l’islam. Le premier principe du djihadisme est qu’il existe un complot pour détruire l’Islam et que les pays conspirateurs sont les pays chrétiens « croisés » et leurs alliés juifs et sionistes d’Israël. .

Le mot « djihadisme » a été adopté dans le monde islamique comme la moins mauvaise option pour désigner les groupes comme Al-Qaïda qui ont un intérêt exclusif pour le côté violent du djihad. Le terme est utilisé par les media arabes et aussi par les milieux du contre-terrorisme où il désigne, même si le terme est problématique, ceux des musulmans sunnites qui utilisent la violence pour poursuivre leurs buts politiques universalistes

Pour Farhad Khosrokhavar, directeur d’études à l’EHESS, le djihadisme est « l’idéologie totalitaire la plus élaborée depuis le communisme et le nazisme »

 

Les djihadistes prônent la lutte armée non seulement pour libérer les pays musulmans de l’occupation étrangère mais aussi pour chasser les régimes jugés impies8. Aujourd’hui, Al-Qaïda, les Talibans et l’État islamique en sont des représentants.

Certaines actions djihadistes ont été menées à l’échelon national, en Afghanistan, au Liban, en Tchétchénie, en Irak, en Palestine et en Algérie ; et d’autres à l’échelon mondial avec les attentats du 11 septembre et ceux de Bali en 2002, de Madrid en 2004 et de Londres en 2005. D’autres encore ont visé l’Afghanistan, l’Arabie saoudite, l’Inde, l’Indonésie, l’Irak, Israël, la Jordanie, le Kénya, le Koweit, le Liban, le Maroc, l’Ouzbekistan, le Pakistan, la Russie, la Somalie, la Turquie et le Yémen. Boko Haram commet ses actes de terreur au Nigéria.

L’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015 à Paris est revendiqué par un groupe djihadiste yéménite affilié à Al-Qaïda. Quant à celui contre un magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, son auteur se présente comme lié à l’État islamique

Ainsi ce que nous craignions est arrivé : le djihadisme qui nous paraissait si lointain frappe désormais sur notre sol, et les actions terroristes perpétrées en son nom, le sont par des ressortissants français, endoctrinés dans des pays étrangers (séjour des frères Kouachi au Yémen en 2010) ou à distance depuis la France grâce aux moyens de communication modernes (internet, sites djihadistes).

De plus, si à l’origine, le djihadisme s’adressait à un public arabophone, avec la montée en puissance d’Internet, et des nouvelles technologies de l’information et de la communication que tout le monde connaît, la propagande djihadiste s’effectue à présent également dans des langues étrangères comme le français, l’anglais, l’allemand ou l’espagnol Cette démarche s’inscrit dans une volonté de mondialiser le djihadisme. 90 % de l’endoctrinement se fait désormais via internet, selon Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur.

Les djihadistes européens ont souvent une très faible connaissance de la langue arabe. Leur endoctrinement se fait alors au travers de traductions approximatives de la propagande disponible sur internet

Les motivations de cette radicalisation sont variées, elles peuvent notamment se développer pour des raisons sociales, culturelles, individuelles, familiales ou psychologiques.

Au 12 janvvuer 2015, 1400 individus étaient concernés par des départs pour le Djihad en Syrie et en Irak. Cela représente en peu de temps une augmentation majeure: ils n’étaient qu’une trentaine de cas mi-2012 !

La menace terroriste est donc exponentielle

Elle est également mouvante: il faut s’adapter et prendre en compte les évolutions des comportements des terroristes.

II convient donc de réagir et de prévenir les actions terroristes afin de les « tuer dans l’œuf »

-         en empêchant la propagande djihadiste sur le net

-         en repérant les personnes « à risques »‘

-         en permettant la signalisation

-         en empêchant l’endoctrinement en prison

-         en empêchant des départs

-         en « traitant » les personnes qui reviennent de lieux de conflits, à leur retour.

Notre sécurité est à ce prix.

I-                    L’ARSENAL EXISTANT

 « Je ne connais rien de plus servile, de plus méprisable, de plus borné, de plus lâche qu’un terroriste ». (Chateaubriand, mémoires d’Outre-Tombe).

Le phénomène terroriste a été appréhendé pénalement, au fil des vagues d’attentats.

La première législation spécialement dédiée au terrorisme réside dans la loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 adoptée suite à une vague d’attentats (rue de Rennes à Paris devant la Fnac, notamment). Le texte instaure des règles dérogatoires de compétence à l’instar des Cours d’Assises sans jury compétentes pour juger des actes de terrorisme, et aggrave les sanctions en matière de terrorisme tout en instaurant un statut de repenti qui permet soit une diminution de la sanction pénale, soit une absence de sanction selon les circonstances.

Les infractions terroristes sont alors des infractions de droit commun, commises avec un motif terroriste.

Les réformes ultérieures ont progressivement allongé les listes des infractions terroristes en tant que telles.

Ainsi en est-il de la loi n°96-647 du 22 juillet 1996 (après les attentats dans le RER en 1995) qui a  incriminé à titre autonome l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste (article 421-2-3 du Code Pénal).

Ce sont ces lois qui ont permis notamment, la condamnation des français revenus de Guantanamo, qui avaient été faits prisonniers par les Américains en 2001 alors qu’ils se trouvaient au Pakistan, en provenance d’Afghanistan. La clandestinité de leur voyage et le fait qu’ils se soient trouvés dans des zones tribales afghanes « tenues » par Al Qaida et Ben Laden, a suffi à constituer l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, bien qu’aucun projet précis d’attentat où que ce soit, ait pu être démontré. Ce « voyage » étant à lui seul par son contexte, considéré comme constitutif d’un acte préparatoire à une action terroriste non définie.

la loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 (après les attentats du 11 septembre 2001) a quant à elle incriminé à titre autonome, le financement du terrorisme (Code pénal, art 421-2-2).

la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 a quant à elle prévu un délit de non-justification de ses ressources correspondant à son train de vie tout en entretenant des relations habituelles avec un terroriste (Code pénal, art 421-2-3)

Pour s’adapter au terrorisme, le Législateur est encore intervenu

-         par la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 permettant une garde à vue pouvant aller jusqu’à 6 jours en matière de terrorisme (article 706-88 du Code pénal)

-         par la loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme qui crée notamment un cas de compétence spécifique au terrorisme (article 113-13 du Code pénal).

Toutefois, tous ces textes semblent constituer un aveu d’impuissance face à un phénomène protéiforme, évolutif et particulièrement difficile à juguler. Il s’agirait même d’un « mur de papier face à une criminalité bien réelle »  (expression de Mireille Delmas-Marty).

II-                  L’ARSENAL NOUVEAU ET FUTUR

Si l’arsenal juridique français, renforcé par la Loi du 21 décembre 2012, permettait de lutter contre les actes de terrorisme de façon à la fois efficace et respectueuse de l’Etat de droit, des évènements récents (départs de français ou résidents étrangers vivant en France, vers la Syrie, tuerie de Bruxelles…) avaient déjà montré que la législation devait être adaptée pour prendre en compte des évolutions inquiétantes, qui concernent la nature des actes et le comportement des auteurs.

C’est pour cette raison que le gouvernement a décidé en avril 2014 un plan d’actions contre les filières djihadistes, débouchant sur la loi du 13 novembre 2014.

 

A)    plan de lutte contre la radicalisation violente

Ce plan contre la radicalisation violente et les filières terroristes permet depuis avril 2014 aux parents inquiets, de s’opposer à la sortie du territoire de leurs enfants, en se signalant aux autorités.

Pour cela, il a été créé

1) un numéro vert le 24 avril 2014: 0 800 005 696

accessible du lundi au vendredi de 9 h à 17 h, il permet à ceux qui s’interrogent ou s’inquiètent d’un possible embrigadement d’un de leurs proches, d’avoir un entretien détaillé afin d’établir un diagnostic. Au terme de cet entretien, ils sont conseillés sur la marche à suivre et orientés vers les services compétents placés sous l’autorité des préfets, dans chaque département.

Au 12 janvier 2015, près de 1000 alertes directes ont été recueillies, empêchant plusieurs dizaines de départs déjà programmé.

 

2) un formulaire de signalement de situation préoccupante, accessible en ligne et permettant d’être recontacté

 

3) des intervenants en prévention

Le Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance (CIPD) sous l’égide du Ministère de l’Intérieur, travaille de concert avec la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES) et le Centre de Prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam (CPDSI).

Cela a conduit à la création d’un programme de formation des différents intervenants en matière de prévention.

Le Ministère de l’Education Nationale, notamment, est associé à cette démarche.

Le programme de prévention est destiné à tous les services concernés : préfets et membres des cellules départementales, policiers, magistrats, recteurs d’académie, réseaux associatifs…pour qu’ils le relaient localement.

Une information reçue par le centre d’appel ou en ligne via le formulaire de signalement, est transmise simultanément à la DGSI (Direction Générale de la sécurité Intérieure) et au préfet de la région concernée.

Celui-ci peut alors décider de la mise en place de deux cellules :

-         un état-major de sécurité, avec le procureur de la République, pour évaluer la situation. Par exemple un départ imminent pourra être bloqué et un mineur fera l’objet d’une prise en charge immédiate.

-         une cellule de suivi, en fonction du profil de la famille et du jeune. Non répressive, elle réunira les professionnels compétents pour une resocialisation de ce jeune.

Il est également prévu une formation spécifique des travailleurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) au phénomène de la radicalisation.

 

B)    Amélioration des services de renseignement

 

2680 emplois supplémentaires seront consacrés à la lutte contre le terrorisme au cours des 3 prochaines années, dont 1400 au Ministère de l’Intérieur, 950 au Ministère de la Justice, 250 au Ministère de la Défense et 80 au Ministère des Finances (dont 70 pour les Douanes).

 

1) création de la DGSI

Par décret du 30 avril 2014, a été créée la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) en lieu et place de la DCRI.

Elle est dotée d’une plus grande souplesse dans la gestion des recrutements, notamment des compétences stratégiques, et d’une capacité élargie pour répondre aux exigences opérationnelles (contre-terrorisme, cyber-défense…).

Parmi les 1400 emplois nouveaux créés au Ministère de l’Intérieur, 1100 seront alloués aux services de Renseignement intérieur chargés de lutter contre le terrorisme dont 500 à la DGSI.

 

2) augmentation des moyens des autres services du Ministère de l’intérieur concourant à la lutte contre le terrorisme

 

Ce sont 425 millions d’euro de crédits d’investissement, d’équipement et de fonctionnement qui seront ainsi injectés sur 3 ans.

Notamment par le recrutement de 106 agents pour la Direction Centrale de la Police Judiciaire, répartis entre la sous-direction anti-terroriste et la récente sous-direction de lutte contre la cybercriminalité, qui gère la plateforme Pharos de signalement des contenus illicites. Laquelle a reçu 30 000 signalements depuis le 7 janvier 2015, soit six fois plus qu’auparavant.

 

3) un cadre juridique pour les actions de renseignement

Au-delà du renforcement sans précédent des moyens, il est indispensable de conforter les capacités juridiques d’agir des services de renseignement.

 

 

Un projet de loi sur le renseignement a été présenté en Conseil des Ministres et soumis au Parlement début mars 2015.

La loi de 1991 sur les interceptions a été conçue avant l’internet. L’encadrement légal des opérations réellement conduites n’est satisfaisant ni en termes de sécurité juridique des opérations, ni sur le plan des libertés publiques.

Ce projet de loi prévoit des mesures pour détecter « immédiatement » es comportements suspects sur internet en France.

Nous y reviendrons supra.

 

4) création d’un fichier des personnes prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme

Un fichier des personnes prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme sera mis en place, avec obligation pour ces personnes de déclarer à intervalles réguliers, leur adresse et leurs déplacements à l’étranger.

Cette mesure pose questions quant au respect des libertés fondamentales. En étendant le fichage aux personnes simplement prévenues, donc qui peuvent par la suite avoir bénéficié d’une relaxe ou d’un acquittement, ne viole t’on pas le principe de la présomption d’innocence ?

 

C)    Lutte contre la diffusion de la propagande terroriste, notamment sur internet

 

1)     au plan national

 la loi n°2014-1353 du 13 novembre 1953 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

 

La loi du 13 novembre 2014 renforce les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Elle comporte notamment :

  • un volet répressif : elle complète et renforce la législation antiterroriste

Ainsi, a été créé l’article 421-2-5 du Code Pénal renforçant la répression de l’apologie du terrorisme, en prévoyant une peine pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende, lorsque les faits ont été commis un service de communication en ligne.

Les premières condamnations y relatives sont intervenues le 12 janvier 2015, dans le cadre de l’attentat contre Charlie Hebdo et celui contre l’hyper casher.

La nouvelle loi prend également en compte l’action croissante des terroristes isolés, en élargissant à l’entreprise individuelle les dispositions du Code pénal relatives au délit d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste.

La notion d’entreprise individuelle, prévue dans les systèmes juridiques britannique et allemand, répond à une réelle nécessité, établie par de récentes affaires mais aussi par le développement de l’auto-radicalisation, notamment par la consultation habituelle de sites internet appelant à la commission d’actes de terrorisme ou fournissant des techniques de passage à l’acte.

 

  • un volet dissuasif : afin de contrarier les déplacements des individus impliqués dans des groupes terroristes, l’Etat a mis en place une stratégie de dissuasion consistant à

-         expulser de France les ressortissants étrangers impliqués dans des activités terroristes (décret d’application n°2015-26 du 14 janvier 2015)

Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, articles L 214-1 à L 214-7, notamment.

-         priver les ressortissants français de leur passeport et pièces d’identité. (décret d’application n°2015-26 du 14 janvier 2015). 6 français dont le départ vers la Syrie apparaissait imminent, ont été privés de leurs passeports et de leurs cartes d’identité le 23 février 2015. Une quarantaine sont en préparation. Ces papiers ont été confisqués pour une durée de 6 mois, renouvelables pendant 2 ans, « aussi longtemps que nécessaire, dès lors qu’il y aura des éléments convergents, concordants, témoignant d’une volonté de départ ou d’engagement dans une entreprise terroriste ».

Cette mesure est prise par le Ministre de l’Intérieur, sous le contrôle du juge, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une personne projette des déplacements à l’étranger pour participer à des activités terroristes ou vers un théâtre d’opérations où agissent des mouvements terroristes ».

La décision du Ministre de l’Intérieur doit être écrite et motivée. Il doit mettre la personne concernée, en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours après la notification de la décision. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par le mandataire de son choix.

La personne qui fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire peut, dans les deux mois suivant la notification de chaque renouvellement, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Sauf que celui-ci dispose d’un délai de quatre mois pour statuer à compter de sa saisine, si bien que s’il refuse le renouvellement, celui-ci aura de fait, eu lieu…

Le fait de quitter ou de tenter de quitter le territoire français en violation d’une interdiction de sortie du territoire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 € d’amende.

Le fait de se soustraire à l’obligation de restitution de son passeport et de sa carte nationale d’identité est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4500 € d’amende.

-         permettre aux parents de s’opposer à la sortie du territoire de leur enfant mineur,

-         systématiser la pratique des entretiens administratifs avec les personnes impliquées et détectées.

 

  • un volet préventif

a)     création du site stop-djihadisme.gouv.fr

Ce site a été lancé le 28 janvier 2015.

Il est dédié à la prévention et à la lutte contre la propagande djihadiste.

Il s’adresse au grand public, aux proches de jeunes en voie de radicalisation, ainsi qu’aux jeunes eux-mêmes.

Il met à disposition des outils pratiques (infographies, vidéos de témoignages, affichettes).

Son but : permettre de « comprendere-agir-décrypter-se mobiliser ».

 

b)     blocage de sites djihadistes par le Ministère de l’Intérieur

Dès le 12 janvier 2015, le collectif des hackers Anonymous parvenait à fermer plusieurs sites djihadistes « pour venger Charlie ».

Suite à la promulgation du décret 2015-125 du 5 février 2015 relatif au blocage des sites faisant l’apologie du terrorisme, le Ministère de l’Intérieur a fermé cinq sites de propagande pro-djihadiste.

Tout internaute qui ouvre ces sites est immédiatement redirigé vers le site officiel du Ministère de l’Intérieur avec une main rouge et l’inscription « vous avez été redirigé vers ce site officiel car votre ordinateur allait se connecter à une page dont le contenu provoque à des actes de terrorisme ou fait publiquement l’apologie d’actes de terrorisme. »

 

c)      déférencement des sites dans les moteurs de recherche

 

décret 2015-453 du 4 mars 2015 « relatif au déréférencement des sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique« 

la direction générale de la police nationale, office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, .peut notifier aux exploitants de moteurs de recherche ou d’annuaires les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421-2-5 et 227-23 du code pénal selon un mode de transmission sécurisé, qui en garantit la confidentialité et l’intégrité.

Dans un délai de quarante-huit heures suivant la notification, les exploitants de moteurs de recherche ou d’annuaires prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement de ces adresses.

 

d)     le projet de loi renseignement: détection des comportements suspects sur internet en France.

 

Les opérateurs télécoms et les sites internet vont devoir participer plus activement à la lutte contre le terrorisme en France.

Le projet de loi renseignement présenté début mars 2015 étend le champ de l’interception des communications électroniques.

Les acteurs du Net et des télécoms participent déjà à l’identification des personnes suspectées de terrorisme. La loi les oblige à conserver leurs données de connexion et à les transmettre sur requête aux services administratifs de renseignement. Le délai de conservation sera porté de un à cinq ans pour les données de connexion.

Le projet de loi va plus loin. Il permet, en son article 3, aux enquêteurs d’obtenir « un recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs », des données de connexion des suspects. De même, il veut contraindre les intermédiaires à « détecter, par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion. »

Les fournisseurs d’accès à internet, mais aussi les plates-formes comme  Google, Facebook, Apple ou Twitter, pourraient devoir déceler eux-mêmes des comportements suspects et transmettre ces résultats aux enquêteurs. Il pourra s’agir de connexions fréquentes ou de pages surveillées.

Les opérateurs télécoms et les sites internet ayant une activité en France devront se plier à cette obligation de surveillance après accord du Premier Ministre, c’est-à-dire sans passage devant un juge.

L’anonymat des personnes identifiées sera levé « en cas de révélation d’une menace terroriste ».

Cette obligation de surveillance constitue un moyen de durcir encore la loi antiterroriste du 13 novembre 2014, qui avait retenu, dans les éléments signalant une entreprise terroriste individuelle, « la consultation habituelle de sites internet appelant à la commission d’actes de terrorisme ».

Le projet de loi de renseignement prévoit aussi des obligations à la charge des opérateurs et des plates-formes en matière de déchiffrement des données. La France veut disposer des clés permettant de lire des conversations interceptées, même si elles sont protégées.

En cela, le gouvernement rejoint la volonté exprimée par David Cameron, Premier Ministre britannique, appelant à bannir toute communication ‘ »vraiment privée » et toute solution de communication permettant à deux personnes d’assurer la confidentialité de leurs échanges :

« Dans notre pays, voulons-nous autoriser un moyen de communication entre les gens, que même dans les cas extrêmes avec un mandat signé personnellement par le Ministre de l’Intérieur, nous ne puissions pas lire ? »

 

2)     au plan européen

a)     à compter de septembre 2015: le système « PNR »

l’enregistrement des déplacements aériens des personnes, qui permettra notamment de surveiller celles suspectes d’activités criminelles, appelé PNR (Passenger Name Record) sera mis en place à l’échelon européen.

60 postes sont prévus pour la Direction de la police aux frontières pour en accompagner le déploiement.

Le Parlement Européen est saisi depuis 2 ans, d’un projet de directive européenne en ce sens.

 

b)     au conseil de l’Europe, courant 2015: le CODEXTER

« la prévention et la répression des actes de terrorisme sont indispensables pour assurer le maintien de la structure démocratique des Etats membres ». (Déclaration sur le terrorisme adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en 1978)

Le Conseil de l’Europe développe des normes juridiques pour prévenir et réprimer les actes de terrorisme. Il s’efforce notamment d’améliorer la coopération internationale pour traduire les terroristes en Justice.

Le Comité d’Experts sur le Terrorisme (CODEXTER) est chargé de suivre la mise en peuvre des instruments juridiques anti-terroristes du Conseil de l’Europe et de coordonner ses activités dans la lutte contre le terrorisme.

Il a identifié les quatre domaines suivants comme les priorités de son travail en 2014-2015 :

  • techniques spéciales d’enquête
  • radicalisation, combattants terroristes étrangers et le fait de recevoir un entraînement pour le terrorisme, y compris via internet
  • les terroristes agissant seuls
  • l’évaluation des lacunes éventuelles du cadre juridique du Conseil de l’Europe dans le domaine de la prévention et de la prévention du terrorisme.

 

Le Conseil de l’Europe est en train de préparer un protocole additionnel à la Convention pour la prévention du terrorisme, pour répondre au phénomène des combattants terroristes étrangers. Sera examinée notamment la criminalisation du fait de se faire recruter ou entraîner pour le terrorisme, de la préparation et du financement des voyages dans le but de commettre des actes de terrorisme.

Un projet de protocole sera soumis par le CODEXTER à l’adoption par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en 2015.

 

c)      plan européen de contre-propagande sur internet

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Européenne se sont réunis à Bruxelles, les 12 et 13 février derniers.

Cette réunion faisait suite à celle de leurs ministres de l’intérieur et de la Justice à Riga, les 29 et 30 janvier précédents.

Ils ont formulé à cette occasion des propositions concrètes pour mettre en place une contre-propagande sur internet, et freiner la propagande des djihadistes à travers un contrôle accru des réseaux sociaux.

Il s’agit de déconstruire le mythe offert par les djihadistes, de « les priver de leur glamour illusoire », notamment en montrant la réalité de leurs exactions sur le terrain.

Il a été prévu l’harmonisation de la lutte contre les discours djihadistes, prévoyant la censure des sites djihadistes et le fait d’empêcher les djihadistes de communiquer secrètement.

Même si les droits de l’Homme garantissent en principe la Liberté d’expression, la censure de simples discours politiques ou idéologiques peut avoir lieu en temps de guerre, au titre des dérogations permises par les traités internationaux.

Or les états européens ont convenu se trouver en guerre contre les djihadistes.

En vertu de l’article 15 de la CEDH, les états membres du Conseil de l’Europe, dont fait bien sûr partie la France, peuvent « prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international », et ce « uniquement en temps de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation.

Peuvent ainsi faire l’objet de dérogations, la liberté d’expression (article 10), celle de réunion et d’association (article 11), le droit à un procès équitable (article 6) ou le respect de la vie privée (article 8)

Toutefois la proclamation officielle d’un état de guerre ou d’un danger public menaçant la vie de la nation, apparaît très exagéré concernant des attentats aussi choquants soient-ils.

 

d)     traque et suppression du web, des contenus terroristes: L’Internet Referral Unit (IRU)

Face à un phénomène mondialisé et à la masse d’informations en circulation, les Etats seuls éprouvent bien des difficultés à « traquer »‘ les signaux révélateurs des processus de radicalisation.

C’est pourquoi les responsables de la sécurité des Etats membres de l’Union Européenne vont présenter un projet de lutte contre le « cyber-terrorisme » à l’échelle continentale.

Inspiré de la Counter Terrorism Internet refferal Unit britannique, le projet européen est baptisé Internet Referral Unit (IRU). Cette unité dépendrait d’Europol, l’agence de sécurité de l’Union Européenne.

Chargée de répertorier à l’échelle internationale des informations sur les sites web extrémistes, sa mission principale serait de traquer les sites « terroristes », et de les supprimer du web.

Concrètement, chaque Etat membre pourrait associer à l’IRU une unité nationale de référence, en charge de la cybercriminalité et de la sécurité des données en ligne, ou spécialisée dans le « cyber-terrorisme ».

Le projet doit être présenté aux Ministres des Etats Membres de l’Union Européenne lors de la prochaine réunion du Conseil « Justice et Affaires Intérieures ». Il est espéré que l’IRU soit opérationnelle d’ici le 1er juin prochain.

l’IRU aura du pain sur la planche.  La propagande des terroristes sur internet sert à la fois à asseoir leur légitimité, à recruter et à financer. En somme, à gagner la guerre des idées.

 

D)    Plan de lutte contre la radicalisation en prison

Ce plan est d’une importance primordiale quand on sait que Chérif Kouachi, co-auteur de l’attentat contre Charlie Hebdo, s’était radicalisé en prison, au contact d’un autre terroriste, Djamel Beghal, auteur des attentats de 1995 contre le RER à Paris.

Le risque est grand que les terroristes « chevronnés » exercent une fascination sur les détenus jeunes et malléables, et les endoctrinent ainsi pour les pousser à commettre des attentats au nom du Djihad. Sachant que les « convertis » sont souvent les plus motivés à montrer leur attachement à la cause !

Ainsi Thamer B, condamné en 2008 dans l’affaire des « filières irakiennes » avec Chérif Kouachi, avait-il dû être changé de prison pendant sa détention provisoire et être transféré en urgence de Fleury Mérogis à Fresnes, ses prières ostentatoires au milieu de la cour de promenade, faisant des émules parmi ses codétenus qui venaient l’y rejoindre.

En février 2015, 283 personnes étaient détenues pour association de malfaiteurs en vue de préparation d’un acte de terrorisme, dont 152 sont des islamistes radicaux.

Il est prévu les mesures suivantes

1)     regroupement des détenus « radicaux »

Pour éviter les contacts avec le reste de la population carcérale et la protéger des pressions exercées.

Ainsi, à la Maison d’Arrêt de Fresnes, des islamistes radicaux sont déjà regroupés dans un quartier spécifique.

2)     isolement voire placement en quartier disciplinaire des détenus radicalisés violents et refusant l’échange

3)     renforcement de la détection de la radicalisation en prison

  • bureau de renseignement pénitentiaire, chargé de détecter les mouvements de repli et de radicalisation (+ 7 postes depuis 2012)
  • programme de recherche-action pour améliorer la détection des radicalisation (expérimenté dans quelques jours dans 2 établissements pénitentiaires : Fleury Mérogis et Osny)
  • depuis le 5 janvier 2015, l’administration pénitentiaire est présente au sein de l’unité de coordination et de lutte contre le terrorisme (UCLAT)
  • 182 aumôniers musulmans dont 30 recrutés ces deux dernières années, censés intervenir dans les prisons pour y diffuser un islam modéré.

 

E)    Désendoctrinement et resocialisation des « revenants » des zones de combats djihadistes

Une « cellule de désembrigadement » s’est montée à l’automne 2014 en partenariat avec la Préfecture de Police de Paris et le Ministère de l’Intérieur.

Située à une adresse gardée secrète, pour des raisons de sécurité bien compréhensibles, elle a pour mission de désintoxiquer les jeunes tentés par l’islamisme radical, et les dissuader de prendre le chemin de la Syrie et de la guerre sainte.

Les personnes qui redoutent la radicalisation d’un enfant ou d’un proche ayant composé le numéro vert dont nous avons parlé, les renseignements ainsi collectés sont triés par le comité de prévention de la radicalisation, selon la réponse à y apporter. Ce comité réunit une fois par mois, des représentants du Parquet, de la ville de Paris et du rectorat.

La Justice prend en charge les cas les plus inquiétants.

Les autres sont aiguillés vers les hôpitaux psychiatriques, une association de défense des familles et individus victimes de dérives sectaires, ou cette cellule de désembrigadement située en Seine Saint Denis.

L’équipe est composée de deux juristes, trois psychologues, un éducateur-médiateur et un victimologue-criminologue.

Il s’agit pour eux de décrire le parcours de radicalisation de chaque jeune, pour en aviser la préfecture et ainsi améliorer le processus de prévention.

Mais surtout d’approcher le jeune en voie de radicalisation aiguë ou l’ex djihadiste, pour le désendoctriner.

Pour cela, des médiateurs dialoguent avec lui en prônant un islam pacifique et tolérant.

Le référant est un jeune barbu salafiste, ce qui permet d’instaurer un climat de confiance.

conclusion : tous ces dispositifs préventifs ne permettent pas à l’évidence d’empêcher systématiquement la commission d’actes de terrorisme sur le sol français. Il ne faut pas occulter que le terrorisme de caractérise par son imprévisibilité. Comme le dit Jacques Baud (analyste stratégique Suisse spécialiste du renseignement et du terrorisme) avec raison, « il frappe par surprise et de manière brutale, là où on ne l’attend pas afin de désécuriser la société et de la déstabiliser ». Quand le pire s’est déjà produit, l’Etat doit disposer de moyens permettant, cette fois, la répression du terrorisme.

 

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