Une voix qui crie dans le désert
49-3
Ce n’est pas le score du match de rugby du week-end.
Qui a gagné ?
Personne.
Qui a perdu ?
Tout le monde.
La honte.
C’est l’expression de ce week-end.
Lâchée par une victime désemparée de voir son agresseur sexuel, honoré et récompensé sous ses yeux, par ses pairs.
Ils savaient bien qu’elle serait là, dans la salle.
Mais ils n’en avaient rien à faire.
Ils lui ont infligé un supplice, l’humiliation suprême, avec un raffinement de cruauté.
Dans un cas comme dans l’autre, au gouvernement comme aux César du cinéma, on a bien écouté des voix dissidentes, des personnes qui osaient dénoncer par avance, ce que l’on projetait.
L’on a écouté plus ou moins poliment. Avec un sourire forcé. L’on a feint la compassion, on a ri jaune, comme le gilet de la même couleur.
L’on a fait le dos rond, laissé passer l’orage.
Laissé cabotiner Florence Foresti sur « Roro, atchoum, Popaul ».
Comme l’on avait ri de la saillie grinçante de Blanche Gardin. « J’aimais bien jouer au théâtre parce que tant qu’on était sur les planches, le metteur en scène nous laissait un peu tranquilles. C’est étrange cette bienveillance envers les artistes. On ne dit pas du boulanger « bon d’accord, il viole un peu les gosses dans le fournil, mais tout de même, il fait une baguette extraordinaire ! »
Laissé entre autres, les avocats manifester, brûler des codes, refuser de plaider, bloquer l’accès aux tribunaux, faire des clips, des haka, des défilés, des chansons, troquer leurs rabats blancs contre des rouges. Laissé les parlementaires d’opposition déposer des dizaines de milliers d’amendements, pour tenter de reculer un tant soit peu l’échéance fatidique.
« Encore un quart d’heure, Monsieur le bourreau ».
Et puis, dans un cas comme dans l’autre, l’on a sifflé la fin de la récré.
Sans autre forme de procès.
L’on a laissé s’exprimer, mais l’on n’a pas entendu.
Force est resté à la Loi. Celle du plus fort, de celui qui détient le pouvoir, et qui au final, fera bien comme il voudra. Et qui le sait.
Nous sommes des voix qui crions dans le désert.
Il nous faut crier, sans cesse, sans peur, mais avec espérance.
Il nous faut crier le respect de la dignité de chaque personne humaine.
Il nous faut crier la défense des plus fragiles, dans la construction d’une société plus juste.
Il nous faut crier qu’on ne peut vivre n’importe comment, faire n’importe quoi et célébrer n’importe qui.
Nous ne sommes pas la lumière.
Nous sommes la lampe.
Nous sommes la lampe qui porte témoignage à la lumière.
Je suis éveillé, habité par la lumière que je porte et qui me porte :
La Justice.
Et voici que je rejoins d’autres porteurs de lumière
Qui sont éveillés par leur cœur, par leur conscience.
Gardons nos lampes allumées.
Car du fond des ténèbres où d’aucuns veulent nous plonger, nous porterons la lumière.