« C’est pas moi, m’sieur, la vie de ma mère ! »

21 mars 0 Commentaire Catégorie: Non classé

« Attention, Monsieur, si vous jouez au plus con avec moi, vous allez perdre ! »

Cette expression d’un gendarme à l’adresse du gardé à vue, pour savoureuse qu’elle soit, a au moins le mérite de la clarté.

L’officier de police judiciaire, non seulement, n’est pas dupe des sornettes que lui débite le mis en cause depuis un bon quart d’heure, mais il lui fait bien comprendre qu’en lui racontant n’importe quoi, il frôle l’outrage et aggrave son cas.

Le gardé à vue a compris le message, si j’en juge par son regard inquiet qu’il m’adresse à moi, son avocat. Mais il n’en démord pas : s’il a été trouvé de nuit, à proximité d’un pavillon fraîchement cambriolé, c’est qu’il avait envie de faire un footing à trois heures du matin. S’il était ganté, c’est qu’il faisait froid. S’il a tenté de fuir les gendarmes, c’est qu’il ne les avait pas reconnus dans le noir et croyait se faire agresser. Si son ADN a été retrouvé sur les lieux du cambriolage, c’est qu’on le lui « aura volé » pour mieux l’accuser. Si la semelle de ses baskets correspond exactement aux empreintes relevées sur plusieurs lieux de cambriolages ces derniers temps, c’est qu’il s’agit d’un modèle « courant, tous les jeunes ont les mêmes ».

Il ressert le même discours devant le juge.

La salle s’esclaffe. Elle n’est pas composée que de prévenus en attente d’être jugés et de leur famille venue en soutien. S’y trouvent également, des personnes, en général retraitées, venues comme au spectacle. Par goût de l’éloquence, pour guetter les belles plaidoiries des avocats et les réquisitoires sans concession du procureur. Par voyeurisme, dans l’espoir de reconnaître un voisin et aller colporter au quartier, qu’il a été condamné. Mais surtout, pour se « payer une bonne tranche de rire », comme le confessait l’un de ces abonnés des salles d’audience. « C’est comme au cinéma, un bon film comique, sauf qu’ici c’est gratuit. On se marre en entendant les conneries que peuvent raconter ceux qui sont jugés ! »

Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui les en blâmera, lui qui a consciencieusement consigné les « bons mots » d’audience pendant près de vingt ans, pour les compiler dans un superbe ouvrage, « les Plus belles Perles des Tribunaux », éditions «La Boîte à Pandore », en vente dans toutes les bonnes librairies.

L’avocat des parties civiles ne rit pas, lui ; il prend le juge à partie : « Mais cela ne vous fait rien, d’entendre ce tombereau de sottises ? »

Le magistrat, désabusé, lui répond d’un air las : « Maître, c’est le jeu… »

Et bien non, justement, ce n’est pas un jeu.

La Justice gagnerait à se faire respecter.

En écoutant mi-amusé, mi-blasé, cet énième prévenu lui dire qu’il « ne sait pas si son ADN a volé ou nagé jusque-là », et en ne faisant pas sentir suffisamment au susdit qu’il en sera tenu compte dans le quantum de la peine, le magistrat participe au travail de sape des valeurs que sont le respect, plus particulièrement des corps constitués, et en l’espèce celui dû à l’institution judiciaire.

Pour être respecté, il faut se rendre respectable…

La justice doit être rendue avec dignité et solennité. Or l’on va désormais au Tribunal comme l’on irait au cirque. Quand un magistrat « à poigne » houspille des prévenus se présentant devant lui en short et tongs, refusant de les juger dans ces conditions et les renvoyant  « se rhabiller » pour une audience ultérieure, et quand il leur fait ouvertement comprendre qu’ils n’ont pas intérêt à se moquer de lui en lui servant une version rocambolesque, sa réaction frappée au coin du bon sens est si exceptionnelle, qu’elle fait « le buzz ».

https://www.bing.com/videos/search?q=juge+saint+tropez&&view=detail&mid=EDBDCA382391C98F9046EDBDCA382391C98F9046&&FORM=VRDGAR

Certains magistrats « en tiennent compte » en leur for intérieur dans le quantum des peines prononcées, mais sans le dire expressément au condamné. Lequel ne peut donc comprendre (et l’assistance avec lui) qu’ « à force de jouer au plus con, il a perdu ».

Aux Etats-Unis, existe le délit de « parjure ». Le prévenu est tenu de prêter serment. Ce qui a le mérite de lui faire prendre conscience de la gravité et du sérieux de la situation dans laquelle il se trouve. Car si l’enquête révélait qu’il a menti sous serment, le juge ne s’embarrasserait pas de (bons) sentiments et l’enverrait directement en prison. C’est la mésaventure qui est arrivée à Marion Jones, athlète américaine convaincue de dopage, qui effectua 6 mois dans un pénitencier du Texas pour avoir nié contre toute évidence, son implication dans une affaire de dopage organisé.

Comme qui dirait, « ça calme »…

A la Cour d’Appel de Lyon, siégeait jusqu’à fort récemment, un magistrat du nom de Monsieur Filidori. Il était surnommé par les avocats« fini de rire », en raison de sa sévérité avec ceux qui, inconscients du danger, lui laissaient l’impression qu’ils se payaient sa tête.

Il est effectivement grand temps qu’il soit fini de rire. De siffler la fin de la récréation. Et d’assimiler par exemple, toutes déclarations ouvertement farfelues prononcées devant une juridiction, à des outrages à magistrat. Il ne paraît pas inutile de rappeler que si un tel outrage a lieu à l’audience d’une cour, d’un tribunal ou d’une formation juridictionnelle, l’article 434-24 du Code pénal le réprime d’une peine maximale encourue de 2 années d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Ce serait « remettre l’église au milieu du village », et revenir à cette valeur fondamentale qui doit être le ciment de toute société démocratique : le respect des institutions.

Justiciables, ne perdez pas de vue que si «faute avouée est à moitié pardonnée », cela se traduit, concrètement, par une réduction de la peine prononcée. Car mieux vaut rassurer « son » juge sur ses capacités et velléités de réinsertion, laquelle commence par reconnaître (et regretter) ses actes, que de l’inquiéter en lui renvoyant l’image d’une personne qui « n’assume pas », cherche à échapper à sa juste sanction et qui ne peut rien regretter, vu qu’elle nie l’évidence.

Bien entendu, si vous êtes réellement innocent, niez, niez de toutes vos forces et avec l’aide de votre avocat.

Mais tous les « c’est pas moi, m’sieur, je l’jure sur la tête de ma mère/ de mes enfants/sur la Bible, la Torah, le Coran, c’est un sosie sur la vidéo, il a volé ma tête et mes empreintes et mes vêtements chez moi »…cela ne convaincra que votre pauvre mère dont l’amour est aveugle. La Justice, elle, a souvent très bonne vue !

S’il faut une condamnation pour outrage pour vous aider à accoucher de la vérité (qui vous rendra libre et soulagé, si si, vous verrez), alors n’hésitons pas à aller sur cette voie. Les premiers téméraires essuieront les plâtres. Mais gageons que rapidement, le mot soit passé : « Devant le Tribunal, on ne peut plus déconner ! »

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