Opinion à réaction

14 août 0 Commentaire Catégorie: Non classé

Quels sont les points communs entre l’Opinion publique et un avion ?

Tous deux peuvent être à réaction…et tous deux peuvent connaître des défaillances.

Internet et les réseaux sociaux ont transformé radicalement la société. Adieu le recul, le temps de la réflexion, bonjour le règne de l’immédiateté !

Nous sommes dans un monde où tout va toujours plus vite, où l’on ne sait plus se poser, attendre, penser…nous sommes gavés d’informations en temps réel, et nous nous devons de (sur)réagir sur les réseaux sociaux dans l’heure si ce n’est dans la minute de leur diffusion. Question d’égo, d’image personnelle : mieux vaut prendre l’avion de l’évènement et être le premier à re-tweeter ou à poster sur Facebook, plutôt que d’être un « has-been » qui prend le train en marche.  Et autant délivrer à la France et au monde, qui ne sauraient survivre sans, son opinion personnelle, comme je le fais dans ces lignes de blog.

Nous en sommes arrivés au point où re-tweeter ou poster un article qui ne serait plus d’une brûlante actualité, nous expose à être rattrapés et cloués publiquement au pilori par la police de la pensée du web ; celle-ci s’exprimera par un aussi lapidaire qu’infâmant « old » en commentaire sous notre publication, quand ce ne sera pas un plus explicite : « cet article date de 2016 »…Dans le jeu de l’égo, celui qui traque et débusque les infos « périmées » sera toujours mieux considéré que le malheureux qui n’est « pas à la page », et se fera mousser au détriment de ce dernier.

Bien entendu, cette exigence d’immédiateté, cette absence de recul et de réflexion, fait la part belle à l’émotion, plutôt qu’à la raison.

Or l’émotion est souvent mauvaise conseillère, en ce qu’elle nous conduit à réagir en ne regardant l’information que par le petit bout de la lorgnette.

Nombreux, dont votre serviteur, se sont fait piéger par des « fake news ».

Tel fut le cas récemment s’agissant de cette « info » selon laquelle, une vague de protestation de femmes en bikini, se lèverait en Algérie. Beaucoup ont « mordu » à ce gros hameçon avec d’autant plus de célérité qu’il correspondait à ce qu’ils avaient envie de lire ou d’entendre : un vent frais d’émancipation de la Femme algérienne qui, « comme chacun sait », vit cloîtrée et en proie aux diktats masculins et aux regards concupiscents ou réprobateurs de mâles en rut ou à l’inverse, désireux de cacher ce sein qu’ils ne sauraient voir. Cette info a été sur-relayée, sur-commentée…

Après quelques jours d’emballement médiatique, commence à poindre la vérité toute nue : non, il ne s’agissait pas de dénoncer l’islamisme ou l’obscurantisme. Il ne s’agissait pas davantage d’inciter toutes les algériennes à se mettre en maillot et à tomber le burkini. Il s’agissait simplement d’un groupe Facebook privé, où les filles qui vont à la plage en maillot de bain, l’annoncent afin de se sentir moins isolées.  « Un déroulé très différent de ce qu’ont rapporté des médias français qui évoquent des «manifestations féministes», «plus de 3 600» filles réunies sur la plage, pour s’opposer à des «islamistes» qui les «menaceraient» .L’histoire enfle. Les faits sont déformés et amplifiés. De la fameuse «baignade républicaine» annoncée à Tichy, aucune trace. De la présence de forces de l’ordre qui viendraient protéger les filles, aucune trace non plus. De la création de groupes similaires dans «chaque grande ville balnéaire» du pays, aucune trace du tout. » (Libération, 13 août 2017)

Autre récent emballement : début juillet, nous apprenions qu’une famille avait été expulsée du logement qu’elle louait, pour cause d’enfants trop bruyants. Aussitôt, la Toile s’est enflammée, de « bonnes âmes » fustigeant ces voisins intolérants et inhumains au point de faire exiler une brave famille et ses rejetons pour un motif aussi futile. Laquelle famille posa volontiers pour les photographes de presse, devant son ancien logement, et bénéficia de manifestations de soutien.

Avec le recul, l’on apprit que le bailleur recevait depuis plusieurs années des lettres de mécontentement se plaignant des « tapages, insultes ou encore des feux de poubelles. » Qu’il avait adressé à cette famille, des dizaines de courriers d’avertissement, en vain. Que la procédure d’expulsion engagée n’avait pas davantage permis de ramener le calme dans l’immeuble. Et qu’enfin, la famille n’avait guère été prise au dépourvu puisqu’avertie de l’expulsion depuis plus d’un an…

Enfin, ces jours derniers, une nouvelle polémique est venue chasser la précédente. Un homme de 93 ans, en maison de retraite, avait disparu et a été retrouvé dans un parc, main dans la main avec une tendre amie. Les média en ont fait un événement, une « belle histoire » de l’été so romantic montrant que l’amour n’a pas d’âge, et ont titré : « il fugue de sa maison de retraite pour un rendez-vous galant ».

Aussitôt, de bonnes âmes se sont crues obligées de réagir pour se dire choquées par la terminologie employée.

« Je ne comprends pas ce « il fugue ». Quand on est vieux, on n’est plus libre ? Il faut des autorisations de sortie ? On redevient mineur ? »

Certains ont comparé l’EHPAD à une prison et ont plaint se pauvre papy, qui en entrant en maison de retraite, aurait perdu toute liberté.

Bien entendu, la question n’était pas de savoir si, dans l’absolu, toutes les personnes âgées en maison de retraite, seraient condamnées à ne plus pouvoir sortir librement, à ne plus pouvoir se promener, à ne plus pouvoir aimer…

Qui a pris le temps de se pencher sur la situation particulière de ce nonagénaire ?

En relisant attentivement les articles consacrés à ce sujet, l’on s’aperçoit que celle qui a signalé sa disparition, et s’en est inquiétée, n’est autre que sa fille.

Nous sommes-nous simplement posé la question de savoir pourquoi cette fille a alerté l’EHPAD et pourquoi celui-ci a répercuté l’information auprès des autorités pour rechercher activement le retraité disparu ? Pourquoi tout ce branle-bas de combat, ces moyens déployés ? L’œuvre d’une fille abusive et de soignants garde-chiourme, qui dénient à un brave vieillard le droit à sa liberté d’aller et venir, à l’intimité de sa vie privée ?

Le papy voyageur n’était-il pas atteint d’alzheimer ou d’une autre maladie neurodégénérative, laissant craindre qu’il s’égare, ne retrouve plus le chemin de l’EHPAD, et se trouve physiquement en danger ? Etait-il sous tutelle, sous curatelle, sous curatelle renforcée ?

Dans un tel cas, oui, on peut parler de fugue.  Sans aller jusqu’aux autorisations de sortie, il était légitime que sa propre fille, et le personnel de l’EHPAD qui l’héberge et le soigne, s’inquiètent de savoir où il se trouvait.

Nous sommes bien loin de l’image d’Epinal du pauvre et brave papy que des personnes sans cœur entendent priver de liberté, et enfermé dans son EHPAD comme dans une prison.

Qu’auraient dit toutes ces belles âmes, sur les réseaux sociaux, si cet homme avait été retrouvé mort après s’être perdu, par exemple noyé dans un étang du jardin public où il fut retrouvé ? N’auraient-ils pas fustigé l’incurie et l’absence d’attention du personnel de sa maison de retraite, « qui laisse un monsieur âgé et malade sortir seul, sans s’en soucier, non mais, quels incapables, dans quel monde vit-on ? » Le débat aurait alors porté sur ces établissements où on ne se préoccupe pas assez des pensionnaires.

Mais nos « bons cœurs » prêts à s’enflammer, ne sont pas nés avec les réseaux sociaux.

Souvenez-vous de l’avocat de Richard Roman, presque lynché, la chemise arrachée, par une foule survoltée, lors d’une reconstitution du meurtre de la petite Céline à La Motte Du Caire.

Richard Roman, était, au final, innocent…

L’Opinion s’est alors trouvé d’autres causes, d’autres chevaux de bataille à enfourcher allègrement, sans rien connaître de la monture.

Dans nos réactions « à chaud », nous sommes décidément, incorrigibles.

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