« Donne-moi ta voiture, que je te la loue ! »
« Malgré le « choc de simplification », notre société, toujours plus complexe, a l’art de générer des situations ubuesques.
Ce ne sont pas les époux B qui soutiendront le contraire.
Ils ont souscrit auprès de la société S, un contrat de vente à domicile le 27 décembre 2011; consistant en l’acquisition, notamment, d’un kit photovoltaïque (‘ »panneaux solaires »‘).
Le but pour eux étant de produire de l’électricité et de la revendre à ErDF afin de générer une source d’économie sur leur propre consommation, voire de revenus.
Par courrier en date du 5 janvier 2012, la banque SO signifiait son accord pour financer cet investissement à hauteur de 16300 €. Cet accord prévoyait que la banque adresserait à la société S, professionnel chargé de la réalisation des travaux, une attestation de fin de travaux qui devait être retournée à la banque, datée et signée des deux parties. A réception de ce document, la banque SO devait débloquer l’intégralité des fonds directement entre les mains de l’installateur, S.
Début août 2012, la société S adressait à la banque SO, une attestation de fin de travaux. La banque débloquait la somme de 16300 € représentant le montant total du crédit, pour le remettre à la société S.
La banque SO en avisait les époux B qui le jour-même, signalaient à la banque SO que l’attestation sur la foi de laquelle les fonds avaient été débloqués, constituait un faux, leurs signatures ayant été imitées.
Ils indiquaient qu’ils avaient d’autant moins pu signer cette attestation de fin de travaux, que ceux-ci étaient loin d’être terminés; et qu’au surplus les documents remis par la société S à la banque SO, comportaient diverses anomalies : facture antérieure à la date même du devis, attestation de fin de travaux elle-même antérieure à la date de confirmation du crédit, travaux censés avoir été réalisés en plein hiver et en un temps record malgré les intempéries…
Dans ce contexte, les époux B portaient plainte pour faux auprès de la gendarmerie.
Un constat d’huissier établissait que les panneaux n’étaient pas en fonctionnement, un mois après le déblocage des fonds.
Un expert graphologue mandaté par les époux B, établissait qu’incontestablement leurs signatures avaient été falsifiées et qu’une comparaison rapide avec leurs signatures authentiques dont disposait la banque SO, aurait permis de déceler les contrefaçons.
les époux B refusant le paiement des échéances de prêt, la banque SO faisait un signalement les concernant à la Banque de France et les assignait devant le Tribunal de Commerce.
La Banque SO sollicitait le paiement de l’intégralité du prêt, soit 16300 €, avec déchéance du terme, ainsi que 3000 € pour résistance « abusive et vexatoire » (car une banque, ça se vexe…), outre 3000 € de frais d’avocat, entre autres (car un avocat, cela se paie).
Elle indiquait qu’aucun manquement ne pouvait lui être reproché et qu’elle n’était nullement tenue à une vérification particulière de l’authenticité de la signature de ses clients sur le document qui lui avait été présenté par la société S. Et qu’en tout état de cause, l’installation produisait à présent de l’électricité, qu’ainsi donc elle fonctionnait et était opérationnelle et que dès lors les époux B qui en bénéficiaient, étaient mal fondés à ne pas vouloir en payer le prix.
Les époux B quant à eux faisaient valoir que la Banque SO avait fait montre d’une légèreté coupable en débloquant les fonds entre les mains de la société S, sur la seule foi du document présenté par celle-ci, sans prendre la peine d’une vérification sommaire de l’authenticité de la signature de leurs clients, en l’espèce grossièrement imitée, sur ce document.
Qu’un simple appel aux époux B aurait permis à la Banque SO d’apprendre que les époux B n’avaient pas signé ce document et se trouvaient en conflit avec la société S du fait de nombreuses malfaçons, les panneaux n’étant pas complètement installés.
Qu’en débloquant les fonds en totalité dans ces conditions, la banque SO avait privé les époux B d’un moyen de pression à l’encontre de l’entreprise S.
Que d’ailleurs celle-ci, sitôt les fonds perçus, s’était fait mettre en liquidation judiciaire et que son dirigeant avec disparu. Qu’ainsi les époux B se trouvaient à devoir rembourser une installation qu’ils avaient dû faire terminer par une autre entreprise à leurs frais, sans pouvoir en être indemnisés par la société S.
Par jugement du 9 décembre 2015, le Tribunal de commerce donnait raison aux époux B, considérant que « La banque recevant un ordre de déblocage des fonds relatifs à un prêt, entre les mains d’un tiers, a priori signé de son client, est tenue de s’assurer auprès de celui-ci, de l’authenticité de sa signature.
En ne procédant pas à cette vérification élémentaire, ne serait ce que par courriel ou téléphone, elle a engagé sa responsabilité.
Dès lors elle doit réparation au client, des frais engagés par celui-ci pour faire constater et remédier à diverses malfaçons ainsi que d’expertise graphologique pour dénier la réalité de sa signature sur le document.
En revanche, ces indemnités ne sauraient venir qu’en diminution du montant du prêt souscrit, lequel demeure remboursable, quand bien même l’entrepreneur indélicat n’aurait pas procédé à la reprise des malfaçons, ayant mis la clé sous la porte sitôt perçu la somme représentant la totalité du montant des travaux. Et quand bien même l’installation ainsi réalisée serait non opérationnelle. »
Or le déblocage des fonds sur la foi d’un document falsifié, a eu en l’espèce pour les clients, des conséquences autrement plus importantes que la simple dépense de frais d’huissier ou d’expert graphologue.
Ceux-ci se retrouvent en effet, « heureux » propriétaires d’une installation de panneaux photovoltaïques totalement inutile, puisque
- dans un premier temps, diverses malfaçons n’ont pas été reprises par l’entrepreneur qui a pris la poudre d’escampette après avoir fait plusieurs autres victimes dans des cas similaires,
- dans un second temps, une fois les réparations effectuées par une autre entreprise, aux frais avancés du client victime, les panneaux photovoltaïques, même opérationnels, ne servent à rien ! Faute pour l’entrepreneur indélicat, d’avoir rempli une attestation exigée par ErDF, celle-ci tient au client, le discours suivant :
- vous produisez certes de l’électricité mais vous n’avez pas le droit de l’utiliser pour votre propre consommation,
- vous voulez nous la revendre mais nous ne voulons pas vous l’acheter, votre contrat de fourniture avec nous ne s’appliquant pas, faute d’attestation de la part de l’installateur !
Par la négligence fautive de la Banque SO –car tout vient de là-, l’installation certes existe et est opérationnelle, mais –ce que n’a pas vu ou pas compris le Tribunal- elle ne sert à rien.
Voilà un contrat de vente, privé de toute cause, car bien entendu, l’objet de l’engagement des époux B n’était pas d’avoir des panneaux photovoltaïques pour faire joli, mais de pouvoir en tirer une source d’économies et de revenus, ce qui n’est pas le cas.
«De quoi vous plaignez-vous ? Vous vouliez des panneaux, vous les avez; donc faut les payer »… ce raisonnement du Tribunal est un peu court et semble des plus contestables.
Vous apprécierez cher lecteur, la puissance de cette décision qui revient à indemniser les époux B de frais de constat et d’expertise –la belle affaire- et de réfection d’étanchéité, afin de leur permettre d’avoir des panneaux qui fonctionnent…mais ne servent à rien.
Aujourd’hui, cerise sur ce bien indigeste gâteau, les époux B ne réussissent pas à revendre leur maison agrémentée de ce merveilleux système de panneaux photovoltaïque: cette situation ubuesque, consistant à produire de l’électricité gratuitement pour ErDF qui vous la revend ensuite, dissuadant tout acquéreur potentiel sensé.
« Donne-moi ta voiture, je te la louerai »…
La situation des époux B, revient précisément, à cela.
Parce qu’il leur manque un papier, parce que l’installateur s’est fait la malle et ne leur délivrera jamais, parce qu’aucune autre entreprise ne souhaite intervenir sur ces fichus panneaux et moins encore, délivrer une attestation concernant une installation faite par un concurrent, qui plus est liquidé et escroc, les époux B produisent leur propre électricité, mais n’ont pas le droit de l’utiliser directement. Ils l’envoient à ErDF, qui refuse de la leur payer, mais veut bien la récupérer…Et ils paient comme tout un chacun, leur électricité.
Les panneaux solaires, c’est chouette. C’est tellement beau, quand c’est inutile…
Ubu dis donc ! Quel pataquès !
Vive la France, sa justice et ses sociétés publiques !