Pauvres de nous

1 juin 0 Commentaire Catégorie: Non classé

Une information m’interpelle ce matin : la pauvreté sera bientôt désormais considérée comme un critère de discrimination passible de sanctions pénales.

A l’initiative de cette loi, l’association ATD Quart Monde et un sénateur socialiste, Yannick Vaugrenard.

La discrimination sociale sera ainsi ajoutée aux vingt autres critères de discrimination déjà inscrits dans la loi: l’orientation sexuelle, le sexe, la religion, l’âge, la race, le handicap…

Ainsi, quelqu’un qui est l’objet d’une discrimination pour précarité sociale pourra porter plainte et la personne qui a discriminé pourra être condamnée au même titre que si elle s’était rendue coupable de racisme ou d’antisémitisme, aujourd’hui passible de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.

L’objectif est noble : faire prendre conscience de la réalité de la pauvreté dans notre pays, et faire condamner pénalement ceux qui discriminent les gens qui sont dans une situation de grande pauvreté.

Toutefois, les exemples de « discriminations » fournis pour justifier cette loi, posent questions.

Car l’on semble y mélanger les causes et les conséquences.

Une famille expulsée d’un musée parce que son odeur incommodait les visiteurs, n’est pas victime à mon sens d’une discrimination en raison de sa pauvreté. Il est des pauvres propres et des riches qui puent ! Même si le savon, le shampooing ou le dentifrice coûtent cher, même si tous n’ont pas accès à des sanitaires, l’hygiène ne constitue pas en soi, un marqueur social, mais éducatif. Des migrants, dans la « jungle » de Calais ou ailleurs, mettant un point d’honneur à maintenir une certaine hygiène dans des conditions dantesques, en sont un exemple.

Bien plus, dire « on m’a expulsé parce que je sentais mauvais. Or je sens mauvais parce que je n’ai pas les moyens de me laver. Donc on m’a expulsé parce que je suis pauvre » est un raisonnement bancal, tendant à faire de la pauvreté, un passe-droit puisqu’un riche qui sent mauvais pourra, lui, être expulsé…à moins que l’on fasse de l’odeur et de la propreté, un vingt-deuxième critère de discrimination ?

Nous risquons comme souvent en matière de lutte contre les discriminations, d’en venir à une situation paradoxalement inversée, conduisant à conférer plus de droits que tout un chacun, à une personne vivant une situation particulière.

Il me revient en mémoire, ce jeune homme d’origine tchadienne, qui en usait et abusait pendant les examens pour pouvoir bénéficier de 10 minutes supplémentaires par rapport aux autres étudiants: « vous me demandez d’arrêter d’écrire, vous voulez m’arracher ma copie des mains alors que l’heure d’examen est terminée, c’est parce que je suis noir et que vous êtes racistes ! » disait-il à des examinateurs soudain tétanisés.

Demain, allons-nous assister, de même, à des « si vous ne m’accordez pas ce que je veux, c’est parce que je suis pauvre, donc que vous êtes discriminant ? »

Un bailleur qui n’accorde pas un logement à une famille sans revenus et lui préfère une autre qui présente des garanties de solvabilité, sera t’-il poursuivi pour discrimination en raison de la situation sociale ?

L’avocat qui refuse les dossiers de clients impécunieux, bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, au motif que ceux-ci sont souvent autant chronophages qu’ils sont mal rétribués, sera-t-il passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ?

Le refus de prendre des enfants à la cantine quand les parents ne présentent aucune garantie de pouvoir la régler, et sans qu’une aide sociale vienne prendre leur relais, est-ce de la discrimination en raison de critères sociaux, ou une « bonne » gestion des finances publiques ?

Cette loi posera bien davantage de problèmes qu’elle en résoudra, ou sera vidée de facto de sa substance, pour ne plus concerner que la discrimination à l’embauche, quand les CV en provenance de centres d’hébergement sont systématiquement écartés, ou celle des médecins qui refusent de soigner des patients allocataires de la CMU, en violation du serment d’hypocrite Hippocrate.

Elle semble surtout, particulièrement démagogique.

Nous nous accordons tous pour dire que « la pauvreté, c’est mal », qu’il faut « lutter contre », que la discrimination c’est « pas bien » et que tous les êtres humains doivent être traités avec autant d’égards et avec respect de leur dignité.

Mais nous avons tous un jour détourné les yeux pour feindre de ne pas voir le mendiant des rues et nous prions chaque matin pour qu’un SDF ne squatte pas notre hall d’immeuble ou ne s’installe pas devant notre boutique.

Surtout, idéaliser le « gentil pauvre » pour se donner bonne conscience, faire une loi punissant de façon très (trop ?) large ce que nous considérons comme de la « discrimination sociale » sans pointer précisément et limitativement les situations auxquelles elle doit répondre, nous détourne trop souvent de l’essentiel: il faut lutter contre la pauvreté elle-même. Etre pauvre ne doit ni être une honte ni constituer un étendard. Il s’agit juste d’un état non souhaitable dont il convient, prioritairement, d’aider ceux qui s’y trouvent, à le quitter.

La loi faisant de la précarité sociale un critère de discrimination, j’en ai discuté avec le SDF du coin de ma rue. C’est encore lui, le premier concerné, qui en parle le mieux.

« Je ne veux pas plus de droits que les autres. Je veux juste être considéré comme les autres ! Se fondre dans la masse des anonymes, c’est cela la vraie égalité ».

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