Pendez-le haut et court !

28 avril 2 Commentaires Catégorie: Non classé

« Il n’y a rien de plus stupide et de plus dangereux qu’une foule ».

 C’est ce que me disait mon défunt père, il y a déjà 35 ans.

 Qu’aurait-il pensé s’il avait davantage connu les réseaux sociaux !

 Car désormais, la foule se fait virtuelle, et la meute plus nombreuse encore.

 Nous venons d’en avoir la triste illustration avec les réactions et commentaires qui ont suivi l’annonce du transfèrement de Salah Abdeslam en France.

Bien entendu, il ne fallait pas s’attendre, et c’est heureux, à un concert de louanges envers un présumé terroriste accusé d’être auteur voire instigateur et organisateur d’attentats d’une lâcheté et d’une barbarie incommensurables.

 Mais Twitter et Facebook ont dégouliné d’un populisme nauséabond concernant des questions que l’on croyait pourtant définitivement tranchées en 2016, depuis des lustres.

Puisqu’apparemment ce n’est toujours pas clair pour tout le monde, et plus particulièrement pour les commentateurs du coin du comptoir, rappelons quelques principes élémentaires de la vie en société civilisée, en République et en Démocratie.

 Ne vous en déplaise, tout homme, même le dernier des salauds, même le plus monstrueux des monstres, a le droit à un procès équitable, ce qui inclut notamment celui d’être défendu par un avocat.

« Mais Maître, comment pouvez-vous ?! »

 Eh bien oui, nous pouvons.

 Parce que nous ne sommes pas juges des personnes que nous défendons, et qu’assurer le respect des droits fondamentaux d’un individu, quoi qu’il ait fait, ne revient pas à adhérer aux idéologies dont il se réclame, ni à cautionner les actes commis. Croyez-vous sérieusement qu’en défendant le violeur, l’avocat cautionne le viol ? Car l’on ne défend pas un crime, ni une idéologie, mais un être humain.

Parce que nous ne préjugeons pas de la culpabilité de nos clients.

Que savons-nous de Salah Abdeslam, si ce n’est ce que les médias veulent bien nous en dire, lesquels tiennent leurs informations du Parquet ou de la police ?

Il me revient en mémoire, l’image de mon Confrère Henri Leclaire, chemise déchirée, torse nu, à moitié lynché par une foule en délire qui ne comprenait pas qu’il puisse défendre Richard Roman. Accusé du meurtre d’une fillette. Dont il a été acquitté…

L’Opinion publique est un excellent procureur, mais un très mauvais juge.

Parce que nous avocats faisons simplement notre travail comme les juges feront le leur. Et que c’est précisément notre vocation, de s’assurer que les droits de tout individu, quoi qu’il ait fait, ont été respectés. Qu’il sera jugé, et condamné ou pas, sur des bases procédurales incontestables. En cela, nous contribuons à ne pas en faire un martyr d’une vengeance inique sous couvert de Justice. La condamnation si elle intervient n’en apparaîtra que plus légitime en son principe car cet homme aura été jugé en respect des règles d’une société démocratique, et non à la hâte selon une Justice du far-west.

Ce ne doit pas être l’émotion qui doit déterminer la condamnation, mais un dossier. Avec des preuves. Avec une procédure. Avec des lois.

L’émotion qui juge, cela donne Outreau, Bruay en Artois. Marc Machin. Patrick Dils. Condamnés à tort.

Parce que nous faisons appel à votre intelligence, de ne pas confondre l’avocat et son client. L’avocat défend un accusé comme un médecin le soigne. Sans se demander s’il le mérite, s’il est un ange ou un diable, s’il est une crapule.

 « Enfin, Maître, vous faites cela pour vous faire de la pub, ou pour l’argent ! »

 Triste vision de la société où l’on ne se lèverait que par intérêt personnel…

Se faire de la pub ? Pensez-vous réellement que la défense de Salah Abdeslam apportera un surcroît de clientèle à ses avocats ? Mis à part les zozos habituels aux dossiers merdiques, qui font appel à vous parce qu’ils vous ont vu dans le journal, à la télé ou à la radio ?

 Se faire de l’argent ? Croyez-vous sérieusement que Salah Abdeslam soit riche comme Crésus, ou que sa défense sera financée, pour ne pas écrire « sponsorisée », par l’Etat islamique ?

Selon toute vraisemblance,  mes Confrères qui devront assurer la défense de Salah Abdeslam, devront le faire au titre de l’Aide Juridictionnelle.

 « Ah ben justement, parlons-en. C’est un scandale :l’avocat de ce type va être payé avec NOS impôts ! »

 Avec les siens, également, à l’avocat. Et il l’accepte.

 Payé est un bien grand mot: une affaire d’Assises, terroriste ou pas, « rapporte » à l’avocat un peu plus de 3000 €.

 Pour un dossier criminel de plusieurs dizaines voire centaines de tomes.

 Pour une instruction qui durera des mois, voire des années. Avec visites en détention, interrogatoires chez le juge d’instruction, confrontations, demandes d’actes…

 Pour une audience qui durera des jours, voire des semaines, nécessitant une présence permanente et la mise entre parenthèses de l’activité du Cabinet pendant cette période.

 Pour un avocat Lillois qui devra se déplacer, à ses frais, à Paris, chaque fois que nécessaire.

 Quant à vos impôts, ils servent également à soigner les terroristes, les délinquants, les crapules, comme les gens honnêtes.

 Faudrait-il donc également priver Salah Abdeslam de soins médicaux, « après tout ce qu’il a fait ? »

Oui, vos impôts, nos impôts, vont servir à le garder, à le nourrir, à le juger. C’est ainsi.

« ah ben, s’il est condamné à vie, ça va nous coûter cher »…

Mais cela nous coûterait bien davantage de le savoir en liberté…

 Alors, que faire ?

 Pour sûr, une balle dans la nuque serait plus économique…

 Mais nous irions directement là où le terrorisme entend nous conduire : dans un concours de barbarie.

 Torturer un terroriste, l’exécuter, nous abaisserait à son niveau. Nous ne vaudrions pas mieux que lui.

 Surtout, n’offrons pas à Salah Abdeslam, le martyre qu’il n’a pas eu le courage de s’infliger.

 « il se dit fatigué, le pôvre…pour un petit voyage Bruxelles / Paris où que c’est même pas lui qui conduisait ! Et il était en grande forme quand il a commis les attentats…et les victimes, elles, elles ne sont pas fatiguées : elles sont mortes ! »

 Mais que savez-vous des conditions de son transfèrement en France ? De son état de santé après plusieurs semaines en prison de haute sécurité à l’isolement total ? Avez déjà effectué un Bruxelles Paris menotté en hélicoptère puis fourgon cellulaire pour pouvoir vous faire juges de son degré de fatigue ? Etiez-vous dans sa cellule la nuit précédente et quand il en a été extrait ?

Quant au parallèle avec les victimes des attentats…

 Quand l’on compare le sort d’un assassin à celui de ses victimes, l’on quitte la Justice et on glisse vers la vengeance et la Loi du Talion.

 Car effectivement, tout mauvais sort de Salah Abdeslam, même surveillé H24 dans un isolement total, même privé de sommeil, de promenades, emmuré, torturé…sera toujours préférable à celui de ses victimes mortes.

 Se placer du point de vue des victimes, conduit à légitimer tout et n’importe quoi.

 Cela défoule, cela soulage, mais cela ne fait pas de nous des êtres si différents que les barbares.

 Nous nous abaissons au même point d’inhumanité.

La réponse d’une société démocratique et civilisée, à un acte inhumain, doit-elle être inhumaine ?

 S’agit-il d’un concours de barbarie entre Abdeslam et nous ?

« Pendons-le à une grue ! »

Mais alors, préparez vos voiles pour sortir dans la rue, et ne buvez plus une goutte d’alcool: vous êtes en Iran.

« Tranchons-lui la tête ! »

Mais alors, arrêtez vos blogs, vos tweets, vos comptes Facebook sous peine de coups de fouet: bienvenue en Arabie Saoudite.

« Torturons-le puis jetons-le aux bêtes affamées ! » (si, si, je l’ai lu sur Facebook)

Oubliez la musique. Mesdames, courez vous acheter une burqa et préparez les noces de vos fillettes de 10 ans avec l’homme mûr qu’on leur désignera. Messieurs, faites-vous pousser la barbe. Vous êtes dans une région reculée d’Afghanistan tenue par les Taliban.

« Brûlons-le vivant ! »

En plus de tout ce qui précède, brûlez également tous vos livres, détruisez vos monuments millénaires, faites table rase de tout édifice religieux (mosquées comprises), préparez-vous à l’esclavage sexuel ou non. Vous venez de rejoindre l’Etat Islamique.

Les exécutions publiques ont été supprimées en France, après les débordements de la foule constatés lors de celle du tueur en série Eugène Weidmann, le 17 juin 1939. La foule qui assiste au « spectacle » parvient à déborder le service d’ordre. Certaines femmes hystériques se précipitent au pied de la guillotine pour tremper leur mouchoir dans le sang du supplicié.

 Aujourd’hui, la peine de Mort a été abolie.

 Les débordements ne sont plus que verbaux, via notamment, les réseaux sociaux.

 Mais ils traduisent une triste vérité: certains d’entre nous ne sont décidément, pas faits pour la démocratie, la République, et leurs valeurs.

 Et confondent Justice et vengeance, procès et défouloir.

 L’on comprend alors, pourquoi l’abolition de la Peine de Mort n’a pas été soumise à référendum, et ne le sera jamais.

  1. Bravo !

    Athéenuation IV 28 avril 2016 à 21 h 17 min Permalink
  2. C’est beau, bien écrit et résume tellement bien la situation actuelle dans laquelle les gens laissent passer leurs sentiments avant la moindre réflexion logique.

    anonyme 28 avril 2016 à 22 h 04 min Permalink

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