N’oubliez pas les paroles. Ou quand le gardé à vue connaît la musique.

19 février 0 Commentaire Catégorie: Non classé

La scène se passe dans un commissariat, ou une gendarmerie.

 Un gardé à vue est interrogé par un officier de police judiciaire (OPJ)

 l’OPJ: « Monsieur, vous savez pourquoi vous êtes ici ? »

 Le gardé à vue: « ben non, à vous de me le dire… »

Sage réponse au demeurant. Car au petit jeu des devinettes, l’OPJ sort toujours gagnant, le gardé à vue, rarement. Souvenir cuisant de ce client qui avait répondu « je suppose que ma petite fille a parlé ? » Et s’était entendu répondre: « ah non, c’est juste pour un délit de fuite. Mais pour votre petite fille, j’en avise le Procureur, nous en reparlerons tout à l’heure… »

 L’OPJ : « Votre compagne a déposé plainte contre vous. »

 Le gardé à vue : « la salope ! »

 L’OPJ : « modérez vos expressions ! On parle de votre victime, là ! »

 L’avocat : « si je puis me permettre, cela reste à démontrer. Pour l’instant il s’agit d’une plaignante. La qualifier de « victime », a fortiori celle du gardé à vue, constitue une atteinte à sa présomption d’innocence et révèle de votre part, un certain parti pris… »

 L’OPJ: « non, vous ne pouvez pas vous permettre, Maître. Vous aurez tout loisir de me soumettre vos questions ou de formuler des observations, à la fin de l’audition de votre client. (au gardé à vue): z’avez le droit de garder le silence, de répondre à mes questions ou de faire des déclarations spontanées. Vous voulez quoi ? »

 Le gardé à vue: « sortir d’ici au plus vite. Alors je réponds aux questions, j’ai rien à cacher. »

 l’OPJ: « vous avez des déclarations spontanées à me faire ? »

 Le gardé à vue : « Ce soir j’suis rentré du taff plus tôt que d’habitude. Je suis passé chez ma meuf pour lui faire une surprise. Quand j’suis arrivé elle était dans son hall, avait l’autre type qu’est en cours avec elle. »

 L’OPJ: « son nom ? »

 Le gardé à vue: « j’sais pas, l’autre type, quoi. Son blaze, j’m'en fous. »

 L’OPJ: « donc, vous les avez vus. Ils faisaient quoi ? »

 Le gardé à vue: « ils s’roulaient des pelles »

 l’OPJ: « et qu’avez-vous fait alors ? »

 le gardé à vue: « j’suis parti »

 L’OPJ: « et ensuite ? »

 Le gardé à vue: « ben rien, j’suis parti, quoi. j’allais pas t’nir la chandelle, ni lui péter la gueule à l’autre naze. J’sais me tenir ! »

 L’OPJ: « et c’est tout ? ça en est resté là ? »

 Le gardé à vue: « ben oui »

 L’OPJ: « vous en avez parlé avec votre copine ? »

 Le gardé à vue: « ben, j’lui ai juste dit que j’savais et que ça m’avait pas fait plaisir. »

 L’OPJ: « lui avez-vous envoyé le mail suivant : « t’es juste bonne à te faire péter le rectum, même si tu disais des trucs intelligents t’aurais l’air conne, je te déteste, je veux que tu crèves lentement, je veux que tu tombes enceinte et que tu perdes l’enfant, je rêve de te voir imprimée de mes empreintes digitales, tu es juste une putain avaleuse de sabre, une sale catin, on verra comment tu fais la belle avec une jambe cassée, on verra comment tu suces quand je te déboîterai la mâchoire, tu es juste une truie, tu mérites ta place à l’abattoir, je veux te voir brisée, en larmes, je veux te voir rendre l’âme, je veux te voir retourner brûler dans les flammes, t’es juste une sale pute, une petite chienne, je vais te pénétrer pour te déchirer l’abdomen, je t’emmènerai à l’hôtel, te ferai tourner. Pétasse, tu mériterais seulement d’attraper le sida, si je te casse un bras, considère qu’on s’est quittés en bons termes. Je veux que tu sentes la chaleur d’une bombe. Je vais te mettre en cloque, sale pute, et t’avorter à l’opinel ? »

 L’avocat: « il m’apparaît peut-être plus approprié et respectueux des droits de la défense, de lui poser la question, expression par expression, plutôt que de faire un lot ? Cela éviterait une reconnaissance globale où se nicheraient des propos qu’il n’a pas tenus… »

 L’OPJ: « Maître, dernier avertissement ! Ici c’est moi qui mène les débats comme je l’entends ! »

 Le gardé à vue: « laissez, Maître, j’ reconnais tout, et j’vois pas où est le problème ! »

 L’OPJ: « vous ne voyez pas ! Il ne voit pas…Mais Monsieur, vous menacez votre compagne de violences, voire de mort, de viol, de tortures et que sais-je encore ! Vous l’insultez de pute, de chienne, de truie ! Ce sont des écrits d’une violence inouïe ! »

 Le gardé à vue: « ça lui était pas destiné ! Quand j’ dis « nique ta mère », j’dis pas que l’autre il va faire l’amour à sa maman ! Tout ça c’est que des mots! C’est des punchlines ! »

 L’OPJ: « des quoi ? »

 Le gardé à vue: « des punchlines. Du rap. De l’expression artistique. »

 L’OPJ: « Rapez ce que vous voulez, mais ne me faites pas croire n’importe quoi. Alors comme ça, votre petite amie vous trompe; et vous, en réaction, vous lui poussez la chansonnette ? Vous voulez me faire croire que ces mots ne lui étaient pas directement adressés, et qu’elle n’a pas pu se sentir menacée et offensée ? »

 Le gardé à vue: « et quand Sardou il chante dans les Villes de Grande Solitude, « j’ai envie de violer des femmes », vous le placez en garde à vue ? »

 L’OPJ: « C’est qui, Sardou ? Un pote à vous ? Vous croyez que parce qu’un copain ou un cousin fait pareil et n’est pas poursuivi, ça vous autorise à menacer votre propre copine ? »

 Le gardé à vue : « mais puisque j’vous dis que je l’ai pas menacée ! J’ai exprimé ma haine dans une chanson, je m’ suis mis dans ma peau de quelqu’un qui a besoin de se défouler, de dire des choses, parce qu’il est cocu ! C’est justement un moyen de pas le faire, d’évacuer ma violence, sinon elle reste rentrée en moi, et là… »

 L’OPJ: « ah, vous voyez bien, vous êtes violent ! Vous le reconnaissez ! Et qu’est ce qui me prouve que vous n’allez pas passer à l’acte après toutes les horreurs que vous avez écrites ? Et mettez-vous à la place de votre copine qui les reçoit…vous croyez qu’elle s’est dit « oh, c’est rien, il se défoule, il exprime sa déception ? » Non, elle est direct allée nous trouver et porter plainte contre vous ! »

 Le gardé à vue: « mais j’y peux rien si elle interprète mal ! J’ l’ai jamais touchée ! »

 L’OPJ: Lui avez-vous écrit : « j’ai la haine, j’rêve de t’voir souffrir, je vais te « marietringler ? »

 Le gardé à vue: « Marie Trintignier. Marie tringler ça veut rien dire. »

 L’OPJ: « et Marie Trintigner, ça veut dire quoi ? »

 Le gardé à vue : « ben, ça veut dire, lui faire comme Bertrand Cantat il a fait à Marie Trintignant. La taper à mort. »

 L’OPJ: « Donc vous avouez ! Il avoue !! Vous l’avez menacée de mort, de la tuer sous les coups de vos propres mains ! »

 Le gardé à vue : « puisque j’vous dis qu’c'est de l’art, de l’expression, juste des mots, bordel ! Elle m’aurait pas fait cocu, j’lui aurais composé les Bisounours ! »

 L’OPJ: « Eh ben il aurait mieux valu ! Monsieur, vous comprenez, les autres ils ne sont pas dans votre tête. Alors quand ils reçoivent « je vais te casser la mâchoire, la jambe, le bras, te violer et t’ouvrir à l’Opinel », ils sont peut-être en droit d’être inquiets pour eux-mêmes, et de le prendre comme des menaces directes à leur encontre…et d’avoir peur que vous leur fassiez ce que vous avez annoncé ! »

 Le gardé à vue: « c’est ça, genre ma nana, j’lui casse une jambe, puis un bras, puis la mâchoire, pis après j’lui fous une bombe ! »

 L’OPJ: « mais peu importe que vous le fassiez réellement, l’essentiel c’est qu’elle est eu peur, qu’elle ait légitimement pu se sentir menacée par la violence de vos propos à son endroit. »

 Le gardé à vue: « Donc c’est subjectif ! C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres, comme il dit Gad Elmaleh ! Genre j’lui chante du Annie Cordy, « si j’te donne mes noix d’coco, toi tu m’donnes tes ananas », elle va porter plainte pour harcèlement sexuel parce qu’elle a pas aimé l’allusion ? »

 L’OPJ: « Lui avez-vous aussi écrit : « tu vas mourir enculée ? »

 Le gardé à vue: « oui. J’ai juste oublié la virgule ».

L’OPJ: « vous l’avez menacée de mort ! Vous lui avez dit « je vais te bouffer la chatte ! »

Le gardé à vue: « ah bon, on peut en mourir ? »

 L’OPJ: « groumpf…euhMaître, des questions, des observations ? »

 L’avocat: « Oui. Comme mon client l’a fort bien exprimé, il ne pensait pas ce qu’il a écrit. Ce n’était pas une attaque personnelle. Juste du rap, un moyen d’expression, d’évacuer la haine, la violence, plutôt que de la commettre. par contre, si à la place de « pute » ou de « femme » il avait mis « juif », « arabe » ou « musulman », là on aurait pu le poursuivre pour incitation à la haine raciale ou à commettre des violences contre des personnes en raison de leur religion »…

 Le gardé à vue: « oh l’avocat, ta gueule ! T’es ouf ou quoi ? Tu veux m’enfoncer ?! »

 L’OPJ: « Bien, audition terminée. Je transmets au Procureur, qui décidera des suites à donner. Relisez le procès-verbal, et signez ici, Monsieur Orelsan. »

 

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