A L’Eurovision, nos Piaf se font tirer en plein vol

25 mai Un Commentaire Catégorie: Non classé

Il s’agit presque d’un running-gag. Chaque année, depuis 38 ans, le coyote France croit avoir trouvé l’invention géniale pour attraper Bip-Bip « Concours Eurovision de la Chanson ». Et chaque année, notre coyote échoue lamentablement, se prenant une montagne (russe), une chute de falaise (allemande), un rocher (autrichien) ou un train (suédois).

 Et comme chaque année depuis 38 ans, le coyote se dit que « ‘cette fois, c’est la bonne ! », croyant avoir trouvé la solution miracle plutôt que de se rendre à l’évidence: Bip-Bip évolue tout simplement bien trop vite pour lui.

l’Eurovision aime les chanteurs déjantés, décalés ! On va gagner avec les Twin-Twin, les Fatals Picards, Jessy Matador ! »

 « L’Eurovision aime que l’on chante en Anglais ! On va gagner avec Sébastien Tellier ! »

 « L’Eurovision aime les belles voix ! On va gagner avec Amina, avec Amaury Vassilii » !

 « L’Eurovison aime les chansons de grands compositeurs ! On va gagner avec Joelle Ursull et sa chanson made by Gainsbourg ! »

 « L’Eurovision aime les vedettes internationales ! On va gagner avec Gérard Lenorman, Patricia Kaas, adulée en Russie, ou avec Anggun ! »

 « L’Eurovision aime les chansons à texte, poignantes, qui font passer une émotion. On va gagner avec Lise Angell ! »

 

Caramba, encore raté !

 

Pourtant, comme chaque année, pour nous fidéliser devant le poste, les camelots-vendeurs de rêves nous assurent que nos artistes ont fait « grande impression » lors des répétitions, que les bookmakers anglais les voient « bien classés« …bref que nous avons « toutes nos chances« . C’est ce que dit également au Coyote le vendeur de fusées censées le faire rattraper Bip-Bip…

Alors on cherche les causes de ces Waterloo récurrents. Et comme tout bon chauvin f’ranchouillard qui se respecte, plutôt que de se remettre en cause, l’on en vient à incriminer l’arbitre.

« le terrain était trop lourd ! Et les sangliers ont mangé des cochonneries ! » faisait déjà dire il y a plus de 40 ans, René Goscinny aux supporters Gaulois après la défaite (éphémère) d’Asterix aux Jeux Olympiques.

Aujourd’hui les raisons trouvées au désastre de notre branlée annuelle à l’Eurovision, sont les suivantes :

 

1) « les autres pays sont des tricheurs chauvins qui votent pour leurs voisins par solidarité politique. On ne peut donc plus gagner ! »

Il est vrai que nous nous amusons chaque année, à prédire les points donnés par Chypre à la Grèce, et vice-versa. D’ailleurs au passage, la Grèce serait bien inspirée à voter pour nous, ce n’est pas Chypre qui la sortira de la crise économique, non mais alors.

Il en va de même pour la solidarité entre pays des Balkans, ou entre pays Baltes, ou entre pays scandinaves.

Mais cela suffit-il pour gagner ?

La solidarité scandinave n’a pas empêché cette année, le Danemark ni la Finlande et son groupe  cacophonique , de se ramasser au cap des demi-finales.

Des pays d’Europe centrale ou baltes sont également restés sur le bord du chemin.

En entendant Stéphane Bern et Marianne James ironiser sur « la Finlande qui donne des points à la Russie, c’est normal ils ont une frontière commune », j’invectivais mon téléviseur dans l’espoir vain que nos commentateurs m’entendent : « mais posez-vous la question ! Et si tout simplement la chanson Russe plaisait davantage que la nôtre ? Au-delà de toute considération politico-stratégique ? »

De même, que les pays scandinaves aient plébiscité, comme bon nombre d’autres pays pourtant non voisins, la chanson suédoise par ailleurs archi-favorite, n’appelle pas à crier au scandale.

La réalité, c’est qu’au-delà des logiques de vote, une bonne chanson réussira toujours à se dégager et à rallier la majorité des suffrages.

L’Autriche a triomphé l’an dernier alors qu’elle n’est aidée par personne (sauf peut-être l’Allemagne).

La Belgique et l’Italie ont fait des scores plus qu’honorables cette année, sans le soutien « suspect » de quiconque !

L’Allemagne dont on dit qu’elle serait boudée pour son intransigeance économique envers les autres pays européens, a gagné en 2010, en pleine crise…

La Russie qu’on disait mise au ban des nations suite aux volontés expansionnistes de son dirigeant, notamment en Ukraine, est arrivée deuxième cette année…

La politique et le chauvinisme régional sont une chose. Mais à l’Eurovision ils n’ont jamais conduit à couronner un vainqueur qui ne le méritait pas.

 

2) « les autres pays nous boudent, de même que les autres membres du « big five » (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne) parce que nous sommes qualifiés d’office pour la finale »

Ah ça, les mauvais joueurs, ce sont les autres…

D’ailleurs cette année, le Royaume-Uni n’a guère fait mieux que nous, et l’Allemagne est repartie de Vienne avec un zéro pointé. Quant à l’Espagne, une musique endiablée et une beauté sculpturale n’ont pas suffi à la classer dans les premières.

Mais comment expliquer alors la victoire du Royaume-Uni en 1997 ? et de l’Allemagne en 2010 ?

Comment expliquer la troisième place de l’Italie ?

Comment expliquer l’honorable classement de Patricia Kaas ?

La bouderie des mauvais joueurs européens serait donc à géométrie variable…

Elle varie surtout en fonction de la qualité des chansons proposées, et l’on n’en attend pas moins d’un concours…

Amis européens, si réellement vous nous haïssez, rappelez-vous que le Concours Eurovision de la Chanson coûte des millions à organiser. Alors n’hésitez pas: prouvez-nous votre aversion en nous faisant casquer. Votez pour nous !

 

3) « Tant que nous chanterons en Français nous n’aurons aucune chance. Il faut chanter en Anglais désormais c’est ainsi. »

Parlez-en à Sébastien Tellier !

Parlez-en aux matriochkas russes qui faillirent gagner, aux vainqueurs depuis plus de 20 ans dans leur langue nationale (serbe, ukrainien, hébreu, norvégien, suédois, italien,  serbo-croate), aux norvégiens et leur « Nocturne » uniquement instrumental…

A l’Eurovision une belle chanson en slavon aura toujours plus de chances qu’une daube anglaise –qui furent d’ailleurs légions cette année.

 

« mais alors, si nos échecs ce n’est pas la faute des autres, c’est donc nous les responsables de nos branlées annuelles ? »

Eh oui…

Nous avons oublié l’essentiel: « pour rallier les suffrages de la majorité des pays européens, il faut plaire au plus grand nombre. »

Nous nous obstinons à envoyer au casse pipe des candidats improbables qui n’ont absolument aucune chance de remporter le Saint-Graal.

Nous envoyons Patricia Kaas, mais nous sabotons ses chances avec un titre triste entonné statiquement dans un rai de lumière.

Nous envoyons Lise Angell avec une chanson déprimante sur la guerre, la reconstruction, tout ça…alors que les autres candidats transforment la salle en boîte de nuit géante. Un peu comme le casse-couilles qui mettrait « l’Aigle Noir » de Barbara dans une boum d’ados.

A l’Eurovision, nos Piaf se font tirer à vue.

Preuve de notre paresse et de manque d’imagination, nos Twin Twin ont été soupçonnés d’avoir « samplé » Papaoutai de Stromae; quant à Lise Angell, son « je suiiiis lààà », rappelle furieusement « oh Angeeela » de Yannick Noah …du même compositeur Robert Goldman.

Face à des jurés professionnels dont les votes comptent pour moitié des points attribués, cela ne pardonne pas….

La Russie envoie une chanson à texte « million voices » sur la fraternité entre les peuples, collant parfaitement au thème du concours (« bâtir des ponts »)  là où nous parlons de destructions et de reconstruction après la guerre… devinez qui a obtenu le plus de suffrages ?

Comme le disait Jean Dujardin dans OSS 117 dans une scène culte de jeu de jokari: « 23-zéro ! C’est la piquette, Jack ! Tu sais pas jouer ! t’es mauvais ! »

Il faudra en prendre conscience.

Et le salut ne viendra pas forcément d’une élection de notre candidat par les téléspectateurs. Nous l’avons déjà tenté  sans davantage de résultat. Parce qu’à nous faire choisir entre une daube absolue et une daube moyenne, élire par défaut la daube moyenne ne fera pas de nous des vainqueurs en puissance. (et n’y voyez là aucune allusion politique…)

En attendant la Suède envoie au concours une chanson moderne, déjà tube chez elle depuis 2 mois.

Une chanson et un chanteur calibrés « Eurovision ».

Un ancien vainqueur de télé-crochet, beau gosse, populaire, jeune…

Alors entre Mans Zelmerlow et Lise Angell, il n’y a pas eu match.

Et puis même si cela ne « marche pas » il faudra accepter la défaite. C’est un mal typiquement français que de croire que tout tourne autour de son propre nombril, et que l’on est détenteur de la perfection incarnée, regardant les autres concurrents avec condescendance.

Même la candidate gothique et emplumée dont nous nous moquions, a fait mieux que la nôtre.

Le concours Eurovision de la Chanson vient chaque année briser nos illusions et nous ramener sur terre de façon cinglante.

C’est dès lors au prix d’une sérieuse remise en cause que nous pourrons enfin de nouveau entendre cette douce mélodie : »France, douze points. France, twelve points ! »

Une réponse

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  1. Beau constat.
    Bon, cela dit, à part quelques avocats (Herminator71, Maître Eolas…), y a-t-il encore beaucoup de Français culturés qui s’intéressent vraiment à l’Eurovision au point de s’infliger le pensum de suivre cette « cérémonie » ?
    ;-)

    Albert HEZINA 25 mai 2015 à 11 h 58 min Permalink

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