La Sécu, c’est bien. En abuser, ça craint !
Hormis celle de m’épouser, ma petite femme a eu une idée géniale. Si, si. Elle a souscrit une mutuelle complémentaire, commune à notre famille toujours plus extensible. Nous voilà donc chez ADREA, mutuelle de l’Ain, ce qui tombe bien puisque dans l’Ain, nous y habitons.
J’entreprends donc des travaux dentaires, obtiens un devis, l’accord d’ADREA sur les remboursements, et fais l’avance des frais considérables de la restauration de mon intérieur buccal, semblable à l’alignement de Carnac.
Sauf que. Les jours passent, puis les semaines, et aucun remboursement ne nous parvient. Telle Sœur Anne, ma petite femme ne voit que le néant qui poudroie et les organismes sociaux qui merdoient. Elle se décide donc d’aller secouer les puces d’ADREA, ce qui est chose facile vu qu’une agence se trouve presque en face de chez nous.
Sauf que. ADREA demande une foultitude de papiers, parmi lesquels, mon justificatif d’affiliation à la Sécurité sociale. Qu’à cela ne tienne : il se trouve justement une antenne de la CPAM derrière la gare de Lyon-Part Dieu, non loin de mon Cabinet. Une antenne pourvue d’une borne extérieure, genre distributeur de billets mais sans argent. On y introduit sa Carte Vitale, et zou, l’infernale machine se propose de recracher toutes les infos contenues dans ladite carte, de les mettre à jour, et même, de vous imprimer la fameuse attestation dont j’ai justement besoin. Le tout, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Comme ma fille avec ses envies de tétées.
Sauf que. J’attends plus ou moins patiemment mon tour, qui tarde à venir car ma prédécesseuse à marmots semble dépassée par l’infernale machine. Au point de demander conseil à son mari, c’est dire. Un quart d’heure plus tard, je peux enfin accéder au Saint-Graal. J’introduis dans la fente (rien que d’y penser j’en vibre encore).
Sauf que. Une anomalie se produit. Je peux consulter mes données personnelles. Mais PAS les imprimer. Il n’y a pas de bouton prévu pour ! Je décide donc d’aller chercher dépannage auprès d’un agent de la CPAM à l’intérieur du bâtiment.
Sauf que. La personne qui m’accueille m’indique avec un accent Serbo-Ukraino-russo-bulgare. «ça, pas étonnant ! Vous, être RMI ! » m’affirme t’elle bien fort. Déjà des regards compatissants d’autres usagers se posent sur moi. Je les sens penser : « tsss, tssss, voilà un homme élégant et bien habillé, avec un costume, une cravate et des lunettes, c’est pour mieux masquer sa situation sociale désespérée… ». Je m’empresse donc d’apporter un démenti formel : « d’abord, le RMI n’existe plus. C’est le RSA. Et puis je ne suis pas au RMI, je suis avocat, merde c‘est vrai, quoi !! ». Mon tromblon de l’Est joue à nouveau de son accent à couper au cimeterre de cosaque : « non, moi vouloir dire, vous RSI ! Regime Social Indépendants ! Vous pouvez pas avoir attestation ici, Monsieur. Aller chez RSI, rue Duquesne, Lyon 6ème. ». Je n’ai pas obtenu mon attestation mais me voilà au moins renseigné. Rue Duquesne, donc. À l’autre bout de Lyon, dans un endroit ingarable en voiture. Et en plus il pleut. Qu’à cela ne tienne, j’irai demain.
Sauf que. Le lendemain, à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je ne trouve aucune place pour me garer devant l’antenne de RSI. Je me rabats donc sur une place handicapés (je sais c’est mal mais à cette heure ci ils sont encore couchés). Je me rends à l’adresse indiquée par la matonne de l’Est. Et trouve porte close. « suite travaux, entrée public plus loin à droite -100 mètres- ». Je suis Le Maître, mais pas l’athlète homonyme champion d’Europe de la distance. Je me traîne donc sous la pluie pendant ce qui me paraît être un marathon. Ouf, me voilà arrivé.
Sauf que. Aucune borne 7/7, 24/24 pour m’accueillir. C’est réservé aux sans emploi, salariés et autre traîne misère. Mais nous les travailleurs indépendants, libéraux, artisans, commerçants, prostitué-e-s, nous n’avons que cela à faire…nous sommes donc gratifiés du classique « prenez votre ticket, attendez votre tour ». Ce que je fais avec une dizaine de compagnons de galère, bien habillés. Nous sommes donc bien au RSI.
Sauf que. Justement ce jour-là, le système d’affichage électronique de RSI est en panne. Il est peu avantageusement remplacé, par un préposé en costume, calepin en main, qui note le dernier numéro appelé et lance un « 667, box numéro 4 », quand une place se libère devant un préposé. J’ai pour ma part, le numéro 771. Bon, suffit d’être patient et de bien écouter le Monsieur.
Sauf que. L’intéressé se fait alpaguer par un brave type qui ne comprend rien. Il vient demander un document chez RSI alors qu’il est salarié, et même pas indépendant. La bonne blague ! Comme si moi j’allais à la CPAM ! Le préposé se trouve donc à expliquer au quidam, qu’il a fait fausse route, quand une préposée moche et peu avenante, revenant manifestement de sa pause café avec l’enthousiasme d’un veau allant à l’abattoir, lance au passage d’une voix lasse « alors le suivant il vient ? ». Le suivant, c’est moi.
Sauf que. Quand je lui demande une attestation d’affiliation, l’intéressée m’ouvre des yeux comme des soucoupes. « on fait pas ça, ici ». Je lui explique donc que j’ai été orienté par la CPAM. « donnez moi votre carte vitale…ah mais je vous trouve pas…faites quoi ? » . Je lui réponds que je fais avocat. La préposée reprend « ah pas étonnant, je regardais pas dans les libéraux ». Elle sort donc du programme commerçants et artisans, rouvre un dossier, tape mon numéro de sécu…mon nom s’affiche. Avec mon ancienne adresse, celle de Paris que je n’habite plus depuis 4 ans. « euh, et pour mon attestation ? » – « ah, c’est pas chez nous, je vous l’ai dit…c’est kikivousrembourse quand vous zetes malade ? » « ben, RSI, je crois » . La pouffe pouffe. «pfrrrtt…ah non pas de danger que ce soit nous»…(rire niais de celle qui me prend vraiment pour un blaireau). Pourtant, mes décomptes de soins me sont adressés sous en-tête RSI…et RAM. «ah, ben c’est RAM GAMEX alors ! C’est eux qu’il faut voir. Ils sont à Bourges ou Angers.» «alors Madame si j’ai bien compris, les salariés et les sans emploi, ils ont une borne 7/7 et 24/24, ils introduisent leur carte Vitale dans une machine, et zou ils ont une attestation en 1 milliseconde. Et moi, travailleur indépendant, je dois aller demander à Bourges ou Angers alors que j’habite à Lyon ?» «j’y suis pour rien, d’ailleurs la borne 7/7 c’est pas vrai ça existe pas». «euh…je vous suggère d’aller à la CPAM de la Part Dieu, Madame…» «bon, vous appelez le 0800 keke chose, c’est eux qui vous donneront votre attestation !» «à distance, par téléphone ?» «j’en sais rien !! Voyez avec eux ! Personne suivante»…. Bon, j’ai un numéro, ça va s’arranger.
Sauf que. Le 0 800 keke chose est un numéro surtaxé. Avec le labyrinthe traditionnel « si vous voulez des infos sur vos remboursements tapez 1, vous affilier tapez 2, signaler un changement d’adresse tapez 3, une attestation ou toute autre demande tapez 4 ». Ah nous y voilà. Je touche au but aussi sûrement que Michael Jackson touchait aux enfants. Je tape 4. Ça raccroche. Me voilà bon pour un second parcours, un tour gratuit…enfin, quand je dis gratuit…à 6 centimes d’euro par minute tout de même…
Enfin, on me passe quelqu’un. Une dame charmante, qui me redemande mon adresse, mon numéro de sécu…sa voix était tellement suave que sur le moment j’ai failli lui donner aussi mon numéro de portable. Puis elle conclut «vous l’aurez dans une huitaine de jours…mais vous savez, vous pouvez l’avoir tout de suite. nous avons une antenne, à Lyon. Juste à côté de RSI ! »
J’écris donc ce post depuis la maison de repos «Les Mimosas», chambre capitonnée 36. Il me faut à présent vous laisser. Le service administratif veut me voir. Il paraît qu’il y a un souci avec ma mutuelle. Elle a besoin d’une attestation d’affiliation.
P:S Pour la place handicapés, je plaisantais.
Quel bonheur ! Un avocat qui découvre les immenses joies que procure le RSI !
Et encore, ce n’est qu’un tout petit aperçu.
L’a plus qu’à leur coller un procès au cul pour soutirage d’argent sans service rendu. Y’a une loi pour ça ?
Tiens, d’ailleurs, le 12 à Paris, y’a une manif contre la gabegie du RSI (http://www.sauvonsnosentreprises.fr/actualite-425-grand-rassemblement-a-paris-12-janvier.html).
C’est pas pour rien !
Tous les indépendants de France et de Navarre y sont chaleureusement conviés. Bon, c’est sûr qu’à l’heure d’avocat perdue, et sans même compter les frais de transport, ça lui lui revenir cher, à maître Terminator du 71.
Ma fille a eu un parcours du combattant à peu près identique mais en sens inverse. Inscrite au RSI alors qu’elle était salariée. 3 mois pour régulariser son dossier et être remboursée.
Un régal votre blog !